Pourquoi acheter un voilier plutôt qu'un bateau à moteur ? Outre l'absence de bruit, tout le charme de nos montures ailées réside dans l'art de les manoeuvrer. Cet héritage très ancien nous relie à l'histoire des hommes et synthétise des siècles d'évolution de leur maîtrise de la mer.
Pour ceux qui les vivent, les gestes comme les termes de marine sont plus précieux que les livres puisqu'ils ne s'intègrent vraiment que dans l'action. Les manoeuvres portent donc en elles une noblesse à la hauteur de l'humilité qu'elles imposent face aux contraintes naturelles, contribution essentielle à la beauté de la navigation. Voilà pourquoi, sans doute, une manoeuvre réussie suscite toujours le respect.
Bien sûr les manoeuvres se sont simplifiées au fil de l'Histoire.
Au temps de la marine à voile, il fallait plusieurs années pour former un marin accompli capable de retrouver ses petits dans ces monuments de cordages et de voiles aux noms plus étranges les uns que les autres. Au XVIIIème siècle, une frégate comme l'Hermione nécessitait une heure et demi de travail à une trentaine d'hommes pour effectuer un simple virement de bord. Tout était donc plus lent, mais aussi plus dangereux car la moindre erreur comportait d'énormes risques pour la navigation. Un manque à virer pouvait amener un bateau à la côte avec son équipage, mais aussi sa cargaison. La somme de ces enjeux imposait une coordination parfaite, une discipline de fer et une parfaite maîtrise de la part des officiers et contremaîtres.
Au XIXème siècle, les matelots travaillant à près de cinquante mètres d'altitude sur des clippers lancés à pleine vitesse dans la houle des hautes latitudes signifiaient une mort certaine en cas d'erreur. Les bateaux de travail de la côte comportaient aussi leur part de risques pour les marins qui devaient souvent barrer au palan et manoeuvrer plusieurs dizaines de mètres carrés de voiles au moyen de quelques poulies rudimentaires. Un exercice pour le moins épuisant qui s'ajoutait aux difficultés de la pêche dans des conditions régulièrement hostiles...
Au XXème siècle, le développement de la plaisance incite les architectes à équiper les bateaux de gréements dits « Marconi », du nom de l'inventeur des mâts d'où furent émises les premières ondes radio. Ces mâts haubanés par des câbles gagnent en hauteur et sont équipés de voiles triangulaires inspirés des voiliers bermudiens du XVIIème siècle. Les bateaux profitent ainsi d'un rapport poids-puissance amélioré pour avancer dans les petits airs, tout en gagnant de précieux degrés quand il s'agit de remonter au vent. Surtout, le gréement Marconi simplifie la man?uvre. Il signifie moins d'espars (sortes de vergues) à manier, moins de cordages et donc moins de travail. Le temps de man?uvre en est réduit d'autant, ce qui convient parfaitement à l'esprit de la plaisance.
Au fil des années l'influence de la voile de compétition a amélioré la garde-robe des bateaux de plaisance avec des voiles comme les spinnakers, puis les spis asymétriques, les gennakers et autres « codes 0 ». De quoi satisfaire nos envies de manoeuvrer, avec toujours plus de performances à la clé.
Aujourd'hui la manoeuvre de base la plus redoutée des plaisanciers reste sans doute l'empannage. Celle-ci permet de passer d'un bord sur l'autre avec le vent dans le dos.
Inconvénient : la bôme (barre horizontale à la base de la grand-voile) a tendance à balayer le pont violemment, voire très violemment si son passage n'est pas maîtrisé correctement.
Dès le vent médium, un empannage incontrôlé peut faire de gros dégâts matériels et humains. Il s'agit d'une man?uvre assez simple et facile à appliquer... à condition d'ouvrir l'oeil.
Le simple fait de changer de direction sur un voilier implique toutes sortes de manoeuvres à connaître sur le bout des doigts. Mais avant de hisser les voiles, encore faut-il larguer les amarres.
Or c'est au cours des manoeuvres de port que se produit la majorité des collisions. Pas si étonnant puisqu'il s'agit d'effectuer des demi-tours et manipulations en tout genre dans un espace restreint où la circulation est souvent perturbée par le vent, le courant et un trafic parfois intense...
Inverse de l'empannage, le virement de bord consiste à passer d'un bord sur l'autre en faisant face au vent.
Une manoeuvre beaucoup plus indulgente pour les étourdis qui s'ils ont la tête en l'air pourront plus facilement la garder sur les épaules. Il faudra pourtant retenir sa chronologie pour se déplacer un minimum sur l'eau.